La sérialisation, nouveau défi de l’industrie pharmaceutique
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Regardez bien votre boîte de médicaments, car dans trois ans maximum, chacune d’entre elle sera unique en son genre. Non pas par son contenu, mais via un numéro de série unique destiné à l’identifier tout au long de la chaîne de fabrication, jusqu’à son utilisation par le malade. Cette traçabilité baptisée sérialisation, est exigée par la règlementation européenne pour les médicaments soumis à une autorisation de mise sur le marché. Le numéro permettra de suivre non plus le lot, mais la boîte elle-même. Dans quel but ? Tout simplement sécuriser le marché du médicament et lutter contre le marché parallèle, puisque l’on estime que 15% des médicaments vendus dans le monde sont des contrefaçons. Avec ce changement, les professionnels pourront vérifier tout de suite si le médicament délivré à l’hôpital ou en pharmacie est bien enregistré comme authentique. L’avantage est aussi de pouvoir retracer plus facilement les destinataires en cas de problème de qualité constaté sur une série.
Mais pour en arriver là, les laboratoires pharmaceutiques et les façonniers vont devoir s’équiper en conséquence. Ce marquage, qui prendra la forme d’une suite de 20 caractères alphanumériques sur chaque boîte, va nécessiter de rajouter une ligne d’impression en plus des informations déjà obligatoires (code produit, date de péremption et numéro de lot). Aucun bond technologique n’est nécessaire, puisqu’il suffira d’effectuer un marquage via une imprimante laser ou jet d’encre thermique.
Un énorme flux d’information à gérer
C’est surtout en amont et en aval que la chaîne logistique va être bouleversée. Qui dit numéro unique dit suivi. Les logiciels à mettre en place devront donc générer des codes sur plusieurs lignes de production et plusieurs sites en même temps sans erreur (tout en s’ajustant aux différentes règlementations et affichages en fonction des pays de destination). Après impression, les codes seront lus par un dispositif optique pour s’assurer de l’unicité du produit, et enregistrés dans une base de données. Des démarches synonymes d’un énorme volume de données à traiter et compiler à l’échelle du globe. Ces datas devront être consultables et disponibles lors des contrôles effectués aux points de distribution. En complément du code unique, un dispositif d’inviolabilité (type points de colle) devra assurer l’impossibilité d’ouvrir frauduleusement les emballages pour éviter toute substitution.
Cette petite révolution pour l’univers du médicament devra donc être opérationnelle en février 2019. Le temps nécessaire pour requalifier les lignes, les serveurs, et prendre en compte les arrêts de production. A ce jour, la Turquie impose déjà la sérialisation. Mais ce dispositif contraignant est aussi vu comme une formidable opportunité potentielle par les laboratoires. En suivant au plus près les habitudes de consommation des médicaments (ce qui est rendu possible par le code unique) les fabricants pourraient alors interagir et entretenir le lien avec les utilisateurs, grâce à ce qui ressemble à un médicament connecté. A condition toutefois que les malades acceptent les échanges d’informations.