Industrie 4.0 Comment certaines entreprises sont capables de transformer totalement leur chaine de production ?

Si se projeter sur ce qu’il résultera de la crise liée à la COVID-19 reste aujourd’hui compliqué, nous constatons, en revanche, tout de suite qu’elle nous a permis plus de solidarité, engager une entraide, montrer de la souplesse et surtout s’adapter. Certaines de nos entreprises, à l’image de la population ont réussi à transformer leur production pour pouvoir se mettre au service de l’état et de la société et répondre à des besoins urgents. Mais qu’est-ce qui a fait qu’elles ont été capables de le faire en si peu de temps ?

Nous parlons beaucoup de nos jours d’Industrie 4.0 aussi appelée Industrie du futur. Cette dernière se met en place, car les consommateurs cherchent de plus en plus des produits uniques et personnalisés qui leurs sont propres, sans oublier bien évidemment les aspects sociétaux et environnementaux.
Pour parvenir à cette prouesse, tout en gardant un taux de rentabilité acceptable (il n’y a encore pas si longtemps la rentabilité ne pouvait se faire que par la production en masse d’un seul et même produit) le monde industriel s’est transformé une nouvelle fois en assouplissant leurs processus mais également en intégrant une technologie moins monolithique et mono-tache, une technologie plus distribuée qui peut s’adapter.

 

La robotisation
Il existe depuis longtemps dans nos usines des machines aptes à remplir un ensemble de tâches qui fonctionnent de façon individuelle et autonome, par l’intermédiaire de leur propre « cerveau ». Celui-ci est préprogrammé et ne sait donc faire qu’un seul et même ensemble de tâches orchestrées toujours de la même façon.
Désormais, notre industrie intègre des robots qui sont entièrement programmables : ils sont créés pour être capable de s’adapter à l’environnement dans lequel ils seront exploités et peuvent ainsi être utilisés dans différentes expertises métier. Un même robot peut, en effet, être positionné dans différentes usines pour réaliser des tâches très différentes l’une de l’autre.
Il est également possible de les faire évoluer dans le temps en modifiant leurs tâches actuelles et même en leur en créant de nouvelles. Bien évidemment, cela nécessite un personnel qualifié pour y arriver. S’ajoute à cela que les robots sont maintenant collaboratifs, aussi bien entre eux (ils ont par exemple la capacité d’échanger des informations entre eux sur le produit qu’ils conçoivent) mais aussi avec l’Homme. On parle alors de cobot : robots dédiés à la manipulation d’objets en collaboration avec un opérateur humain, et qui dépendent de l’intention, du geste ou du comportement de l’utilisateur. Le robot a alors pour but d’assister en direct le geste de l’opérateur en démultipliant ses capacités en termes d’efforts pour manipuler en sécurité des pièces chaudes, lourdes ou encombrantes, ou au contraire trop petites pour être saisies naturellement avec la précision nécessaire, tout en s’adaptant aux caractéristiques de l’utilisateur et en le sécurisant.
Cette capacité d’adaptation de ces nouvelles machines dans notre industrie permet donc, sans avoir la nécessité de changer de machine ou d’opérateur, de modifier sa production en reprogrammant les robots pour changer plus ou moins fortement leurs « gestes » métiers et adresser d’autres buts. On peut même leur attribuer des nouveaux opérateurs, expert dans leur domaine mais peu familiarisé avec une machine, sans prendre le moins risque.

 

La digitalisation de nos usines
Autre phénomène qui aide les usines à être plus agiles, c’est la généralisation de l’informatique. Elle fait maintenant partie intégrante de leurs process métier, de la création d’un produit à sa production. Elle permet de connecter la majeure partie des ateliers d’une usine, que cela soit un simple écran de contrôle, un outil ou un robot, pour ainsi de pouvoir centraliser l’ensemble du process et des fonctions attribuées à chaque élément de l’organisation.
Cela donne donc la possibilité de concentrer une multitude d’informations et y accéder très facilement et rapidement : connaitre le cadencement, identifier les postes à l’arrêt, connaitre les stocks, vérifier le bon fonctionnement d’une machine, etc. Si cela permet de mieux suivre ce qui se passe à l’intérieur de l’usine, avoir une vue précise de chacun des postes qui la constituent, cela permet aussi d’envoyer des informations spécialisées au bon moment et à la bonne machine ou poste afin de modifier le produit en cours de création dans le but de le personnaliser (par exemple, changer sa forme, sa couleur, etc.) avec le grand avantage de ne pas impacter le reste de la chaine de production.
Cette centralisation permet alors de modifier en un seul endroit l’organisation d’une usine pour adapter son process et actions prises sur chaque atelier pour répondre au besoin des produits qu’elle confectionne. Il n’est en effet pas nécessaire de se déplacer sur chacune des machines pour les reprogrammer une à une, chose qui peut prendre plusieurs jours et donc impacter fortement la production. Tous les changements nécessaires peuvent être fait en central, en poussant à distance et au même instant l’ensemble des informations et des programmations sur les machines. De plus, lorsque l’usine est dotée d’outils de simulation, il est alors possible de tester les conséquences des adaptations programmées en amont pour s’assurer du bon fonctionnement théorique dans son ensemble de l’usine et donc de limiter les risques avant de lancer la production.

 

L’avènement de l’IoT
Une dernière évolution qui semble jouer un rôle important est l’avènement de l’IoT. En effet, la prolifération de capteurs capables de remonter un grand nombre d’informations permet de mieux appréhender et réagir en fonction des situations.
C’est aussi la mise à disposition d’outils supplémentaires, connectés avec les machines ou avec le système d’information, qui permettent de mieux accompagner le personnel dans ses tâches au quotidien, grâce aux informations que ces équipements montrent, affichent ou sonorisent.
Ces équipements connectés qui complètent l’organisation de nos usines, permettent ainsi de plus rapidement s’adapter dans le cas d’un changement de production : ils permettent de guider l’opérateur dans les nouveaux gestes qu’il a à faire. Il peut par exemple être guidé par de la lumière pour savoir ou positionner une nouvelle pièce ou avoir un retour sonore lorsqu’il positionne un produit dans le mauvais bac.

 

C’est grâce à ces avancées que notre industrie a su s’adapter en très peu de temps et en cette période de crise pour répondre à des besoins sanitaire et humanitaire. Ainsi nous avons pu lire que PSA a mobilisé ses équipes, une cinquantaine de volontaires, pour assembler un peu moins de 10000 aspirateurs pour le compte de Air Liquide Medical System, dans son usine de Poissy (Yvelines). Tout cela se faisant dans le cadre d’un consortium exceptionnel.
Il y a aussi le groupe français Kering, numéro 2 mondial du luxe, qui fin mars a annoncé que ses usines françaises Saint Laurent et Balenciaga produiraient des masques à destination du personnel soignant.
Du côté de LVMH, sur le site industriel et logistique des parfums Christian Dior de Saint Jean de Braye (dans le Loiret), dès la mi-mars, la chaine de production a modifié ses procédés habituels afin de les adapter à une formule et à un conditionnement différent pour produire du gel hydroalcoolique à destination de l’APHP puis toute la France. Tout cela a été fait en quelques jours.
Tesla a aussi voulu aider et s’impliquer dans la fourniture de matériel médical en prototypant des respirateurs en seulement dix jours, avec de plus des pièces provenant essentiellement de ses voitures (pièces de chauffage, ventilation et climatisation). On ne sait cependant pas si ces respirateurs artificiels ont pu réellement servir…

 

Même si ces transformations montrent toute la souplesse que peut avoir maintenant l’industrie, il faut cependant bien comprendre que tout n’est pas possible ! Il n’est pas possible de passer d’une industrie de papier à une industrie de voiture, d’une industrie de parfum à une industrie de bois. La transformation rapide d’une industrie peut être réalisable mais en restant dans une cadre « proche » de son métier d’origine. Ainsi les industries qui produisent des vêtements ont pu produire des masques. Les industries qui produisaient de l’alcool, des parfums ou des produits chimiques ont pu produire du gel désinfectant. Lorsque l’on cherche à aller plus loin comme Tesla, on voit que l’on peut arriver à faire des choses mais ce n’est pas pour cela que les produits générés sont exploitables : il peut y avoir des contraintes de tests ou de normes que seules les industries installées dans le domaine depuis longtemps sont capables de maitriser.
Il est aussi très important de rappeler que cette rapidité de transformation ne peut se faire que par la grande souplesse et adaptabilité des opérateurs travaillant dans les usines et de l’entraide qui les anime.

Jérémie PAPPO
Jérémie PAPPO

Responsable innovation

Jérémie PAPPO est Responsable Innovation chez Hub One. Le sport et la technologie sont ses principaux centres d’intérêts. Ancien handballeur de compétition, ce sport est selon lui, un bon moyen de se dépenser et d’aller au-delà de ses limites. De nature curieux, il aime découvrir de nouveaux objets. L’idéal pour lui étant de pouvoir expérimenter toutes ces nouvelles découvertes une fois avoir compris leurs fonctionnements. Son gadget préféré ? Sa montre connectée. Convaincu des progrès en termes de nouvelles technologies, il espère prochainement, en dénicher un nouveau dont il sera encore plus addict !
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