Faut-il geler tous les projets en attendant la 5G ?
À n’en pas douter, la 5G sera un moteur d’innovation dans le secteur aérien. Elle va profondément faire évoluer les métiers et les méthodes de travail. La 5G permettra par exemple de rendre à moyen terme différents types de véhicules aéroportuaires autonomes (véhicules de piste, bus de transport de passager…), jusqu’aux avions eux-mêmes lors des phases de roulage. Elle facilitera également l’utilisation de drones de surveillance, la maintenance des appareils grâce à la réalité augmentée, ainsi que l’analyse comportementale des foules pour fluidifier les parcours passagers.
Bien entendu, ces cas d’étude sont prospectifs. Cependant, de nombreux usages critiques nécessitant un réseau d’accès mobile adapté existent déjà bel et bien. C’est par exemple le cas des applications de géolocalisation et d’anticollision des véhicules de piste, du déchargement des données avions dès l’atterrissage pour accélérer le process de maintenance, des remontées vidéos de la situation sur le terrain à divers centres de contrôle (déneigement des pistes et des taxiways, détection d’objets sur les pistes, support de niveau 2 à distance d’une problématique de maintenance, etc). Et ce en temps normal, comme en cas de gestion de crise.
Vers un réseau mobile privé en 4G LTE
Dans un contexte de compétition internationale, ces usages peuvent difficilement attendre l’arrivée de la 5G avant d’être adressés. D’autant que, selon toute vraisemblance, le “network slicing” 5G n’apportera pas de fonctionnalités de qualités de service différenciées facilitant la coexistence d’usages dits “critiques” et d’usages “standards” avant 5 ans au minimum. L’utilisation d’un réseau mobile privé avec un accès radio totalement dédié aux professionnels devient donc nécessaire à court et moyen terme pour répondre aux besoins des services régaliens, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs assurant des missions professionnelles ou critiques sur l’aéroport.
Une première étape a été franchie avec la libération de la bande 2.6 GHz TDD par l’Arcep. Couplée à la technologie 4G LTE, l’utilisation de cette bande va permettre de combler le saut technologique entre des réseaux bas débit obsolètes (Tetra, DECT) ou inadaptés à une couverture étendue sans couture (comme le Wifi par exemple), et une révolution 5G dont des catégories d’usages clés sont encore en cours de standardisation (uRLLC, mMTC). Les acteurs aéroportuaires pourront donc profiter des gains de performance et de compétitivité du très haut débit, dans le cadre de solutions réseau qui respectent toutes les contraintes de sûreté et de sécurité inhérente aux aéroports, bien avant l’arrivée de la 5G.
Ne pas perdre de temps sur la voie du smart airport
Les aéroports parisiens ont décidé de sauter le pas. Un réseau 4G LTE privé va être prochainement déployé pour accélérer le développement du “smart airport” et répondre aux enjeux de la communauté d’acteurs autour de l’industrie 4.0. De nombreuses expérimentations ont été menées depuis 2014 sur la zone aéroportuaire, en situation réelle d’exploitation, dont la dernière sur la bande de fréquences hautes 2.6 GHz TDD. Ce vertical métier présente un avantage : tous les acteurs sont rassemblés sur un périmètre géographique délimité. Cela facilitera la diffusion de cette nouvelle technologie réseau.
L’objectif de ce déploiement est de servir un écosystème professionnel composé de 120 000 personnes, au sein de 1000 entreprises de toutes tailles, et n’ayant pas toutes les moyens financiers, matériels et opérationnels de déployer leur propre réseau mobile privé. Les coûts sont d’ailleurs relativement raisonnables, au regard des gains attendus. Le fait que la zone Asie ait pris de l’avance sur les Européens en matière de connectivité et de réseaux hauts débits (la Chine a lancé ses premières offres 5G le 31 octobre 2019) joue mécaniquement sur le prix des terminaux.
En attendant la révolution 5G, les professionnels peuvent donc s’appuyer sur des solutions de réseaux mobiles hauts débits intermédiaires, tout aussi performantes. Au-delà des aéroports, la 4G LTE pourra servir les usages d’autres sites critiques ou zones complexes. Cela se fera en fonction des besoins locaux, avec la mutualisation de tout ou partie du cœur de réseau, dans le respect des contraintes locales d’indépendance et de redondance géographique des entreprises.