Droit à la déconnexion et droit au télétravail : comment concilier les deux ?
Le monde du travail évolue sous différentes formes grâce au numérique. Les salariés sont de plus en plus connectés, la limite entre vie professionnelle et vie privée devient un enjeu important pour les employeurs. Accord collectif ou charte selon l’effectif de l’entreprise, on vous explique comment respecter le droit à la déconnexion pour préserver la vie personnelle des collaborateurs.
Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ?
Le droit à la déconnexion a toujours existé : prévu dans quelques accords d’entreprise, il a été officialisé dans le Code du travail en 2016, dans le cadre de négociations obligatoires sur la qualité de vie au travail (QVT).
Le droit à la déconnexion s’adresse à tous les salariés utilisateurs de technologie numérique (salariés sédentaires, salariés nomades, télétravailleurs…). Son objectif est d’équilibrer la vie professionnelle et personnelle des salariés. Pour cela, les entreprises sont tenues de fixer un cadre pour aménager des périodes de repos et de congés, et des plages horaires pendant lesquelles les collaborateurs ne sont ni joignables ni connectés aux outils numériques professionnels (smartphone, ordinateur, tablette, messagerie, logiciels etc.).
Selon les accords d’entreprise, le droit à la déconnexion peut bénéficier d’une acception plus large. Concrètement, cela conduit à la mise en place de temps de pause en journée pour favoriser la concentration ou les échanges interpersonnels entre les collaborateurs.
Déconnexion et télétravail : quels droits ?
Le droit à la déconnexion figure dans le Code du travail, néanmoins les dispositions relatives au télétravail n’y sont pas clairement mentionnées. C’est aux entreprises de préciser les modalités de contrôle du temps de travail, de régulation de la charge de travail et les plages horaires pendant lesquelles il est possible de joindre les salariés au télétravail.
À l’échelle européenne, le Parlement Européen a demandé en janvier 2021 que le droit à la déconnexion soit reconnu comme droit fondamental et soit explicitement réglementé par le droit de l’Union européenne.
Comment le droit au télétravail est-il établi ?
La loi sur le renforcement du dialogue social crée un droit au télétravail pour les salariés qui peuvent exercer leur travail grâce aux technologies de l’information et de la communication.
La demande de télétravail s’établit par un moyen écrit ou oral (courrier, courriel ou entretien oral) auprès de l’employeur. L’employeur y répond favorablement ou non de la même manière écrite ou orale. En cas de refus, l’employeur motive sa décision.
Dans le cas où une charte ou un accord existe, les conditions du télétravail sont définies par ces documents.
Les droits en télétravail sont-ils identiques à ceux du travail en entreprise ?
Les droits et avantages légaux et conventionnels des télétravailleurs sont identiques à ceux applicables aux salariés travaillant sur le site de l’entreprise (comme défini dans l’article L. 1222-9 du Code du travail). À titre d’exemple, les titres restaurants font partie des avantages sociaux. (Source: Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion)
Comment concilier droit au télétravail et droit à la déconnexion ?
Bien que le droit au télétravail prévoit les mêmes droits que le travail effectué en présentiel, il devient impératif que collaborateurs et employeurs respectent les règles régissant le droit à la déconnexion définies par l’entreprise pour respecter les sphères privée et professionnelle.
La mise en place de modalités pratiques évitent les risques de débordement de comportements individuels ou collectifs inconciliables (que ce soit entre collaborateurs de même rang hiérarchique ou non) et des conséquences opposées à l’objectif de souplesse et d’autonomie qui définit le télétravail.
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Droit à la déconnexion : quels enjeux pour les entreprises et salariés ?
Depuis la crise sanitaire Covid 19, le télétravail est devenu un mode de travail régulier pour un quart des actifs français (dont 53% de cadres).
Bien que 78% des salariés affirment une préférence pour le télétravail, qui représente 3,6 jours en moyenne, cela n’empêche pas un impact non négligeable sur la santé mentale des salariés estimé par 26% d’entre eux, et la difficulté ressentie de manager à distance par 40% des managers français.
(après étude des résultats de l’enquête DARES « Activité et condition d’emplois de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid 19, juin 2019 « Les chiffres du télétravail en France en 2021 »).
Parallèlement, les résultats de l’enquête menés par l’UGCT en septembre 2021 fait état à ce jour d’une grande majorité d’employeurs qui n’a pas mis en place les dispositifs prévus par le Code du travail.
Le droit à la déconnexion est encore bien loin d’être adopté sur le terrain comme le démontrent les chiffres issus du Dossier Télétravail UGICT-CGT 6 Sept 2021 :
- 60% n’ont pas mis en place de dispositif pour garantir le droit à la déconnexion.
- 55 % n’ont pas défini les plages horaires durant lesquelles les salariés en télétravail sont joignables.
- 75% n’ont évalué ni la charge de travail ni le temps de travail des salariés en télétravail.
L’accès et l’utilisation des nouvelles technologies d’information et de communication offrent de belles perspectives de travail : plus d’autonomie pour les salariés et plus de souplesse dans l’organisation du temps de travail.
Par conséquent, les obligations de l’entreprise impliquent de :
- faire respecter les durées maximales de travail
- garantir le temps de repos (11 heures de repos quotidien et 35 heures de repos hebdomadaires)
- réguler la charge de travail
- veiller à son obligation en matière de santé et de sécurité au travail (éviter le risque d’épuisement professionnel par exemple)
- respecter la vie privée du salarié.
Ces obligations préservent les salariés des risques psychosociaux en milieu professionnel et prévoient un meilleur équilibre vie professionnelle et personnelle.
Droit à la déconnexion : comment le mettre en œuvre ?
Les règles du droit à la déconnexion doivent être précisées dans un accord collectif ou une charte (selon les effectifs de l’entreprise).
Les modalités pratiques peuvent se traduire par :
- L’usage d’un PC dédié au travail, différent de celui utilisé dans la sphère privée, afin d’éviter des sollicitations professionnelles (mails, Teams …) dès lors que le salarié bascule dans la sphère privée.
- L’usage d’un téléphone différent pour le travail. Dans le cas d’un usage mixte, la déconnexion du profil professionnel peut être envisagée par simple clic sur l’icône idoine.
- La définition des horaires de travail fixes, ou si cela n’est pas compatible avec le profil du collaborateur, la définition des horaires au-delà desquels, téléphone et PC doivent être éteints.
- La mise en veille des serveurs informatiques au-delà d’une certaine heure pour bloquer l’envoi de mail. Ou, comme l’appliquent certaines sociétés, en instaurant une règle de suppression automatique des mails envoyés à un collaborateur déclaré “en congé” dans son agenda électronique.
- Le respect des règles fixées ou que l’on s’est fixées.
Si cela paraît, à première vue, comme étant des règles de bon sens, force est de constater que certaines enquêtes récentes démontrent « une forte augmentation du temps, de la charge et de l’intensité du travail des salariés en télétravail.
Conclusion
Accord collectif ou charte sont les points de départ du droit au télétravail et à la déconnexion pour une bonne mise en application par l’entreprise et les salariés. À ce jour, le droit à la déconnexion est encore trop peu réglementé : aucune sanction n’est prévue si le droit à la déconnexion n’est pas respecté ou en l’absence de charte. Toutefois, l’entreprise peut être sanctionnée si l’obligation de négociation sur la qualité de vie au travail ou la durée de repos légale minimale des salariés n’est pas respectée (art L. 2243-2 du Code du travail).
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